mirror. ;; yasuhiro (finie)

Il y a Yasuhiro, et il y a PRIDE. Il parle de son lui humain et de son lui goule comme étant deux entités différentes. Pourtant, c'est la même personne ; mais une même personne certainement atteinte psychologiquement. Ça lui arrive de rejeter qui il est, ce qu'on dit de lui. Alors il se concentre sur l'autre ; sur celui qui semble normal. Quand l'autre est là, c'est toujours de mauvaise augure. Son orgueil balance. Parfois c'est un équilibre stable, d'autres fois, la balance penche et il redevient celui qu'il était.

Jamais pour très longtemps.

Il est difficile à cerner. Certainement trop strict au boulot, trop ancré dans ses habitudes et dans sa routine. Il n'a pas l'habitude de côtoyer des goules ; ceux qui demandent finissent avec un faux prénom, et un surnom de goule inventé. Higanbana lui en veut ; il le sait. Alors Higanbana n'ira certainement pas le débusquer aussi facilement. Il se tait. Il reste seul.

Pourtant, il a réussi à aimer quelqu'un ; à aimer une femme si fort qu'elle a été tuée. Depuis, il n'a plus le temps. Plus le temps de rien, hormis ce qu'il y a dans sa routine. Pour l'attirer, il faut éveiller sa curiosité. Sinon, il ne viendra jamais.

Il restera tapi dans l'ombre. À ne jamais en sortir.

((++ détails ;;
_ Un mètre quatre-vingt deux pour cent-trois kilogrammes. Une masse de muscle comme on en a très peu l'habitude. Trop grand pour un japonais. Il n'a pas vraiment l'air de s'en soucier, pourtant.
_ Fan de musiques douces. Porte en horreur le rock, le metal, et toutes ces ignominies.
_ Possède un gros penchant pour les seinen matures. Le reste ne l'intéresse pas vraiment. Mais ce n'est pas à lui de décider. Certainement pas.))

Je me demande parfois combien de jours sont passés comme ça. À regarder mon écran, ma tablette graphique. Plus tard dans la journée, je me demande parfois combien de soirées se sont finies comme ça. À boire un café, et regarder un morceau de chair sanguinolente. Quand j'étais plus jeune, on me collait l'étiquette d'un goinfre, parce que je mangeais plus que je n'avais besoin. Aujourd'hui, je me limite. Je ne suis plus vraiment comme avant.

Cet avant où j'étais un lâche, sans aucun sens de l'honneur. Cet avant où j'étais impitoyable, à semer la terreur dans les rues de l'arrondissement de Nerima. Cet avant où je tuais des inspecteurs sans me soucier des répercussions. C'est peut-être de là que je tiens mon rang. Ils me l'ont placardé sans me demander mon avis ; à l'époque, je me sentais fier d'être aussi haut dans leur liste. Une goule dangereuse. Une goule qui n'avait ni foi, ni lois, ni limites. C'est une époque révolue – je me suis assagi, et je n'en suis plus vraiment fier. Mais je n'ai pas perdu ma férocité quand ils décident de s'en prendre à moi. Celui qu'ils nomment « PRIDE », l'orgueilleuse goule qui n'arrêtait jamais avant qu'elle n'en ait assez. Ce n'est plus très vrai, aujourd'hui.

Je travaille, je mange, je dors. Le même cycle recommence. Je ne chasse plus vraiment, je fais des réserves. De quoi manger la semaine ; jamais plus. Le CCG n'entend plus vraiment parler de moi, ces dernières années. Les seuls moments où je me suis permis d'intervenir et que mon nom résonnait à nouveau dans les bouches d'autrui, c'est quand le groupe Higanbana s'en prenait à mon quartier. Leurs idéaux défient les miens, alors je dois les repousser, garder ce quartier sain de leur présence. Ils savent pertinemment que je suis là, quelque part ; mais ils ne savent ni ou me trouver, ni comment réellement me coincer. PRIDE a encore de longues années à survivre.

Yasuhiro aussi, à vrai dire. Mais Yasuhiro, lui, il vit. Je vis, tout simplement. J'ai un travail, une occupation. Moi qui dessine depuis mon plus jeune âge en plus d'avoir été bercé dans une culture autour de l'animation et des mangas, mon chemin était tout tracé ; c'est des années après que je suis devenu character designer dans un studio d'animation. Ça fait plus de vingt-cinq ans que j'y travaille, et je ne suis pas prêt d'arrêter. C'est quelque chose de passionnant ; quand il n'y a rien pour me déranger autour. Ma notoriété de goule ; ou encore les problèmes concernant le studio. Ils ne m'impliquent jamais vraiment dedans, à vrai dire.

Yasuhiro, c'était le gosse rêveur. Le gosse qui voulait faire quelque chose qui lui plaisait. PRIDE, lui, ce n'était juste qu'une boule de violence acharnée et inarrêtable. Tout l'inverse. J'ai arrêté d'être trop sûr de moi, trop orgueilleux quelques temps avoir croisé le fer avec un inspecteur spécial. Un moment d'inattention, et son quinque s'était planté droit dans mon œil droit. Le masque brisé de moitié. Il en a suffisamment eu, nous sommes tous les deux partis. Je n'ai jamais réussi à récupérer cet œil, la blessure était trop profonde. Les goules écailleuses sont connues pour être résistantes, avec une régénération puissante. Pas assez quand ce sont des organes ou des parties importantes du corps qui doivent repousser.

Maintenant, je balance entre Yasuhiro et PRIDE. Jamais les deux. J'aurais de ces périodes où le monde taira mon nom, et de ces temps où les inspecteurs auront pour ordre de me débusquer, pour mettre fin à mes jours. Ils n'ont jamais réussi ; ça fait plus de trente ans. Je doute qu'un jour, ils réussissent. Mais qui sait si la prochaine fois sera la dernière ? Ce sera peut-être la fin pour lui ; la fin pour moi.

Personne ne le sait.

Brique. Appelez-moi Ozzman ou Nox, c'est comme ça vous chante.